| Artifices 1 | Images de synthèse interactive |

Art ? l'orninateur
| Edmond Couchot, Michel Bret et Marie-Hélène Tramus, Je sème à tout vent, 1990 ; La Plume, 1988-1990

      [TITRE]
      Installation interactive d'images de synthèse tridimensionnelles implémentée sur ordinateur. Création pour Artifices.
      Matériel de création et de présentation : ordinateur Silicon Graphics IRIS 4D/25, logiciel ANYFLO, capteur F.G.P. Instrumentation.

      Avec le numérique, l'image se décompose en ses ultimes constituants : les pixels. Mais, alors que cette décomposition la rend, théoriquement du moins, inaltérable, duplicable à l'infini, transmissible sans aucune perte, donc totalement stable, fixe, tout à fait conforme, et au-delà, aux propriétés de l'image traditionnelle -photo, cinéma, télévision, peinture-elle lui donne en même temps la fluidité des nombres et du langage, la capacité de répondre aux moindres sollicitations du regardeur, aux plus inattendues, elle la rend instable, mobile et motile, changeante, pénétrable. La vie de l'image dorénavant peut ne plus tenir qu'à un souffle. Mais dans ce souffle qui sème à tout vent des fragments rompus de sa surface, elle puise aussi le pouvoir de renaître ailleurs, autrement, d'être finalement plus qu'une image.

      Dans le monde de la simulation interactive, l'infini et l'éternité s'apprivoisent, l'inéluctable se domestique. Le destin - ce qui doit advenir, l'enchaînement fatal des causes et des effets, l'événement suprême dicté par les dieux ou imposé par le jeu du hasard et de la nécessité - n'a plus cours. Faut-il conclure alors que, à la façon dont les outils ont libéré de tâches contraignantes et mécaniques la main, le corps, la mémoire ou la raison de l'homme, les machines interactives, en simulant le réel et ses devenirs éventuels, le libèrent désormais du destin ? Que restera-t-il alors de propre à l'artiste, si l'art est - comme le disait André Malraux dans une formule à l'emporte-pièce - l'«anti-destin» ? Peut-être le même et interminable travail, toujours à recommencer : recoudre les fragments du monde déchiré par la technique, tenter de redonner une cohérence symbolique aux choses, un sens finalement dont la technique, si sophistiquée soit-elle, si interactivement intelligente même qu'elle puisse devenir, est totalement dépourvue.

      Edmond Couchot
      Né en 1932 à Paris. Directeur de recherche et professeur à l'Université Paris 8 où il dirige la formation Arts et Technologies de l'Image. Théoricien des relations art et technologie, notamment des arts de l'image et des techniques informatiques, il a publié des articles et un livre Images. De l'optique au numérique, Hermès, 1988, où il analyse l'apparition du nouveau système de figuration fondé sur la simulation interactive et les changements culturels qu'il est susceptible de provoquer. Il a conçu la section d'art numérique de l'exposition Electra au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris en 1983-1984. Plasticien d'origine, il s'est intéressé, dès le milieu des années soixante, à la participation du spectateur avec ses Mobiles musicaux - dispositifs cybernétiques lumineux susceptibles de réagir à des stimulations sonores (musique, voix, bruits divers) et d'en proposer en temps réel des interprétations visuelles où l'automatisme était nuancé par une intervention dosée du hasard. Le dispositif «Je sème à tout vent» reprend cette préoccupation première en lui apportant toutes les ressources de l'informatique.

      Marie-Hélène Tramus
      Études de philosophie et d'arts plastiques. Doctorat d'arts plastiques consacré à l'interactivité à l'Université Paris 8. Enseignante en Arts et Technologies de l'Image à l'Université Paris 8. Réalisatrice d'images de synthèse et de dispositifs interactifs.