Technologie — Entretiens | Patrick Bellouard | Jean-François Bou |


Jean-François Bou : Entretien (extraits) avec Andrea Urlberger
, le 27 octobre 2005
au
siège de Thales à Neuilly-sur-Seine.


En 2005, Jean-François Bou est directeur du programme GALILEO de Thales (1).


(1) Depuis octobre 2005 des changements concernant le financement de GALILEO sont survenus. Un partenariat public privé, évoqué par Jean-François Bou lors de l’entretien, avait été retenu pour le financement du développement du système, suivi d’une concession cédée à un opérateur pour 20 ans. Aucun accord n’est parvenu à terme, causant un retard du projet d’environ 3 ans par rapport au calendrier initial. Pour assurer le lancement du service pour 2012 au plus tard,  une solution de financement 100% public est envisagée. Une décision est attendue au mois de septembre 2007.



Les applications


Jean-François Bou — Au départ, le GPS était fait pour les militaires et les applications civiles se sont développées, pas au hasard, mais de façon spontanée.

Il y a plusieurs formes d’applications, des applications grand public, des croisières en bateau, des randonnées, etc. Il y a des applications professionnelles à tout niveau. Il y a par exemple des forages en mer, des forages pétroliers qui utilisent le GPS parce qu’en mer, il n’y a pas de référence géométrique. C’est le seul moyen qu’on ait de se positionner vraiment de façon métrique avec des précisions à l’ordre de quelque dizaine de centimètres. Et c’est important pour des gens qui forent en mer ou qui tirent des câbles sous-marins.

Il y a également le transport aérien. Maintenant, à bord des avions, vous avez pratiquement toujours des récepteurs GPS.

Mais ce qu’on sait peu, parce que c’est une application un peu plus difficile à comprendre, le GPS est aussi la distribution du temps précis.

La technologie du GPS est en fait basée sur des horloges atomiques qui sont embarquées au bord des satellites, datant des signaux qui sont envoyés sur la planète. On envoie un signal avec une date, donc on sait au moment de la réception quand il a été envoyé, on sait calculer le temps qu’il a mis pour parvenir jusqu’à l’utilisateur. Comme on connaît la fréquence, on peut savoir quelle distance il a parcouru et donc on sait localiser quelqu’un sur la planète.

Alors, si vous n’avez qu’un satellite qui envoie un signal, vous avez un cercle sur la planète, si vous avez deux, vous avez un recoupement des deux intersection du cercle, si vous avez trois, vous avez un point à peu près précis. Vous avez des corrections d’horloges et d’erreurs à faire ou de calcul d’orbite des satellites ce qui fait que vous avez en fait besoin de quatre satellites pour avoir un positionnement précis.

Comme je l’ai indiqué, ce sont des horloges atomiques, donc ça permet de distribuer du temps précis. En dehors de la partie positionnement, il y a aussi la partie positionnement du temps et toutes les personnes qui veulent avoir des synchronisations du temps à la nanoseconde, des fractions de seconde, peuvent se servir du GPS.

Ça permet par exemple de synchroniser les réseaux GSM. Quand vous passez d’une cellule à l’autre, vous êtes synchronisé sur des horloges GPS. Les réseaux de transport d’énergie sont aussi synchronisés via GPS.


GALILEO

J.-F. B. — Il y a toujours une trentaine de satellites en orbite à 22 000 kilomètres d’altitude qui passent à peu près aux mêmes endroits, qui couvrent la Terre. On est pratiquement assuré d’avoir une position avec les quatre satellites en permanence. Par rapport au GPS, GALILEO ne produit pas de rupture technologique. Le fait qu’il y ait deux constellations, c’est d’être sûr, quand une tombe en panne, l’autre est là. En plus, on aura 60 satellites au lieu de 30, des récepteurs qui recevront les deux signaux. Dans les villes notamment, on est gêné par le problème de masque des bâtiments et le signal n’est pas très souvent disponible. Le jour où on a 60 satellites au lieu de 30, le signal sera disponible beaucoup plus facilement. Ce sera beaucoup plus pratique. Ça permettra aussi de corriger les erreurs des deux systèmes par exemple, en les scannant l’un sur l’autre. On aura de toute façon une disponibilité accrue et une précision accrue.

Le GPS, ce sont deux services, un civil et un militaire, le militaire n’est pas accessible aux civils. Il faudra des codes d’accès. GALILEO, ça sera un signal civil et un signal militaire aussi, mais le signal civil sera un peu plus précis. Ca sera aussi, entre-temps, un service commercial payant qui donnera la possibilité d’envoyer des genres de  SMS. Ce ne sont pas des SMS parce qu’on ne pourra pas envoyer à chaque utilisateur des messages différents, mais on peut envoyer des messages à partir d’un point donné vers des millions d’utilisateurs. Ça peut être sur la météo, des alertes par exemple pour un séisme.

Il y a un autre service important, le service « safety of life ».  Celui-ci sera utilisé dans toutes les applications qui mettent en jeu la sécurité des vies humaines, notamment le transport aérien. Et ce service aura une fonction importante qui est l’intégrité, ce qui veut dire qu'à n’importe quel moment, dans des délais très brefs, on informe un utilisateur de l’état du système qu’il est en train d’utiliser. Dans son récepteur, on connaîtra l’utilisation d’un tel ou tel satellite, qu’on peut utiliser, on confirme par exemple qu’il marche plutôt bien. Ou au contraire, il est détecté qu’un satellite ne marche pas convenablement, que vous êtes dans une configuration géographique qui n’est pas bonne pour le positionnement, et il est conseillé de ne pas utiliser les données qu’on vous donne. C’est très important pour guider un avion ou autre parce qu'avec le GPS actuel, on ne peut pas le faire sans d’autres instruments comme des GPS différentiels.