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Graffiti

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01. 02. Brassaï, photographies de graffiti
03. Tags de style Wicked

On parle déjà de graffiti à propos des traces trouvées dans des abris humains de la préhistoire. Ce sont des inscriptions gravées ou peintes. Mais on assiste depuis plusieurs années à l'émergence de recherches sur les graffiti à la période moderne et contemporaine. Anthropologues mais également historiens s'attachent à l'étude de ces pratiques d'écritures ordinaires dans l'espace public : inscriptions politiques pendant la Commune ou la guerre d'Algérie, pratique du graphe sur les murs des cités ou tags dans le métro. Ce sont des pratiques populaires, clandestines, souvent anonymes, intimes, mais aussi provocatrices, destructrices, contestataires. Et elles relèvent de l’expression plastique, de l’art et de la poésie.

Photographe des rues et de la nuit, Brassaï s’intéresse dès les années 30 au graffiti, au point d’en faire un livre. Il en publie plusieurs dès cette époque dans la revue Le Minotaure, accompagnés de son commentaire qu’il développera, texte après texte, jusqu’à sa mort, parallèlement à ses prises de vue. Il notait sur des carnets, à l’aide de croquis, la présence et la transformation des graffiti sur les murs de Paris. La vision des graffiti est chez Brassaï celle d’un art brut résolument moderne.

C’est dans les années 60 que les grandes métropoles des États-Unis voient se développer la pratique du graffiti comme moyen d’expression des adolescents des classes défavorisées.

Ainsi je donnerai pour exemple le Philly’s Wicked, style de Philadelphie qui se reconnaît par ses lettrages allongés et son trait énergique et confus, épileptique. Ce style veut faire ressortir un aspect brut de vitesse, d’empressement, d'agressivité (comme une catharsis), d’où le nom wicked qui en anglais signifie méchant, malfaisant, espiègle, malicieux. Les lettres déformées sont indéchiffrables pour quelqu’un de non initié. Les acteurs du mouvement Wicked sont : Kad, Razz, Espo, Curve, Rakan, Boza.
Développé dans les années 70, les tags étaient, au moment de leur émergence, des signes de reconnaissance entre gangs. Le lien stylistique avec les fresques mexicaines est due à la forte présence des Portoricains dans le domaine du graffiti. Le film-culte de cette période est Warriors. Les premiers taggueurs associaient à leur nom le nombre correspondant à leur rue comme TARI 183.

Plus tard, le graffiti purement "artistique" s’est développé avec les pionniers du graffiti new-yorkais. À la fin des années 70, la scène artistique internationale voit se multiplier les écoles artistiques plus ou moins issues de ce mouvement, tels la figuration libre avec Robert Combas ou Hervé Di Rosa en France et Keith Haring ou Jean-Michel Basquiat à New York. On peut chercher les origines de ce style de graffiti dans l’expressionnisme abstrait ou les dessins de Dubuffet, dans le muralisme du Mexique ou de Cuba, mais les références de ces artistes viennent des formes de culture populaire contemporaines, la bande dessinée, le dessin publicitaire, ou encore de la fréquentation des cultures de la Chine et du Japon présentes dans les quartiers et les magazines. Outre la spontanéité, la vitesse, le goût de l’inachevé, du raturé, les graffitis d’artistes sont marqués par un refus de la dimension intellectuelle. Ainsi, Combas ou Basquiat prétendent à un analphabétisme et à une parodie des sous-cultures populaires contemporaines et de l’agression de la communication. (1)

Roland Barthes en opposant graffiti à écriture littéraire, éclairait déjà puissamment ce qu'on peut appeler la pulsion de dessin des graffiteurs ordinaires, dans un texte critique sur la peinture-écriture de Twombly : "le malheur de l'écrivain, sa différence (par rapport au peintre, et spécialement au peintre d'écriture, comme l'est TW), c'est que le graffiti lui est interdit: TW, c'est en somme un écrivain qui accèderait au graffiti, de plein droit et au vu de tout le monde. On sait bien que ce qui fait le graffiti, ce n'est à vrai dire ni l'inscription, ni son message, c'est le mur, le fond, la table; c'est parce que le fond existe pleinement, comme un objet qui a déjà vécu, que l'écriture lui vient toujours comme un supplément énigmatique: ce qui est de trop, en surnombre, hors de sa place, voilà qui trouble l'ordre; ou encore: c'est dans la mesure où le fond n'est pas propre, qu'il est impropre à la pensée (au contraire de la feuille blanche du philosophe), et donc très propre à tout ce qui reste (l'art, la paresse, la pulsion, la sensualité, l'ironie, le goût: tout ce que l'intellect peut ressentir comme autant de catastrophes esthétiques) (3).

1. Voir Art et Langage, Années 80, ouvrage collectif sous la direction de Jean-Marc Poinsot, Centre d’histoire de l’art contemporain, Rennes, 1988
2. Roland Barthes, L'obvie et l'obtus, Essais critiques III, collection "Tel Quel", Seuil, Paris, 1982 pp. 145-162 "Lectures : le geste, Cy Twombly ou Non multa sed multum" page 154
Denys Riout, Le Livre du graffiti, Paris, Alternatives, 1990

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