Jean-Louis Boissier, La relation comme forme. L'interactivité en art, Mamco, Genève, 200


La relation comme forme. L'interactivité en art | Sommaire détaillé |



Sommaire détaillé

Introduction : La relation comme forme
1 – À propos du vidéodisque Le Bus, ou l'exercice de la découverte
2 – Dramaturgie de l'interactivité
3 – Pour que poussent les images
4 – Le logiciel comme rêverie
5 – Artifices
6 – La collection à l'oeuvre
7 – Machines à communiquer
8 – Vertus des mondes bornés
9 – Notes sur l'esthétique du virtuel
10 – Une esthétique de la saisie
11 – Programmes interactifs
12 – Des arts dans la logique de leur technique
13 – Le CD-ROM de la 3e Biennale d'art contemporain de Lyon
14 – L'image n'est pas seule
15 – Le moment interactif
16 – La perspective interactive
17 – L'image-relation
L'ouvrage inclut le CD-ROM Essais interactifs



Introduction : La relation comme forme


Si "la relation comme forme" émerge comme titre légitime pour ce recueil ayant trait principalement à l'interactivité en art, cette proposition n'en constitue pas le projet systématique et approfondi. Considérant la suite des textes rassemblés ici, il faudrait chercher les diverses apparitions du mot relation et voir comment, avec les nouveaux médias numériques, la relation devient forme et s'inscrit dans des objets apparentés à l'art. Continuation de la photographie et du cinéma, la prise de vues, telle qu'elle est intentionnellement maintenue dans les programmes vidéo-interactifs, est attachée à l'idée de relation au réel. Cette idée est là pour prendre en compte la tradition picturale chinoise ou pour mettre en oeuvre la poétique de la collection, pour construire le diagramme de l'exploration d'un coin de banlieue ou pour mettre en scène un modèle qui se prête à la modélisation de ses gestes. Avec Rousseau, on parle de relation au monde, sur le mode du signe sensitif, de la réminiscence ou de la rêverie sans objet. C'est sans conteste ce qui donne sa pertinence à une entreprise visant à interpréter son texte sur le mode de la performance interactive et à prendre cette lecture comme critère de l'expérimentation d'une écriture nouvelle. Qu'elle soit prélèvement de fragments ou de traces ou qu'elle relève de codes ou de langages, la saisie permet le passage du photographique vers l'image calculée, le virtuel et l'interactivité. La saisie s'identifie alors, en tant que relation, à un processus formel et productif. L'association saisie-ressaisie qualifie la version de l'interactivité la plus homogène à tout ce qui relève de la figuration et de la représentation. La perspective interactive, où la programmation tient la place qu'a la géométrie dans la perspective optique, désigne le dispositif de la construction ou de la saisie des relations. Il est alors possible de concevoir une image-relation qui, au-delà du partage des actions, est une présentation directe de la relation. La jouabilité de l'oeuvre atteste la figurabilité des relations. Cette jouabilité, empruntée aux jeux informatiques, voit sa signification élargie à toutes les acceptions du mot jeu, jeu nécessaire du fonctionnement mécanique, jeu interprétatif, théâtral et musical, jeu de l'exercice corporel et mental, jeu de langage.

Si la relation est une forme, elle a ses techniques et ses supports, ses matériaux, ou ses immatériaux – des matériaux fondés sur des langages. Ainsi l'interactivité n'est pas la simple médiation de l'accès à l'oeuvre, elle est partie intégrante de l'oeuvre. Certes, il n'est pas de proposition artistique véritable qui n'organise, d'une façon ou d'une autre, la relation à ses destinataires. Il convient cependant de rechercher la spécificité esthétique de l'interactivité dans les transformations effectives que connaissent, dans l'exercice dialogique, à la fois l'oeuvre et son destinataire. Plus simplement, c'est la vitesse des opérations numériques qui distingue radicalement les modalités relationnelles des objets interactifs. Leur capacité à organiser les comportements logiques les plus complexes, à traiter dans l'instant les variations et les événements, à s'accorder à la temporalité du lecteur, à s'insérer dans le cours des choses, caractérise leur nouveauté. Qui plus est, ces capacités s'appliquent à faire fonctionner ensemble des registres formels ordinairement séparés. L'interactivité la plus sensible et la plus intuitive ne saurait faire oublier qu'elle repose sur le flux du code. L'indétermination du statut des oeuvres interactives ne doit pas être confondue avec une indétermination de leur fonctionnement. C'est, au contraire, dans le perfectionnement programmé de leurs relations internes que résident leur autonomie et leur faculté de réponse aux sollicitations les plus singulières.

Dans les recherches rapportées ici, interactivité n'est jamais employé dans un sens métaphorique ou idéologique. Il faut l'entendre dans son sens technique. L'apparition du mot, contemporaine des premiers essais de ce recueil, est une réponse à la nécessité de désigner spécifiquement la relation à l'ordinateur. Sa pertinence ne tient qu'à ça et, si son usage répété est nécessaire, il faut savoir aussi s'en méfier et le maintenir à distance. Une semblable attitude s'impose avec virtuel, à cette différence près, très grande, que le terme virtuel préexiste à son usage dans les technologies numériques, notamment dans le champ philosophique où il a une grande puissance conceptuelle. La fascination pour les "nouvelles technologies" va de pair avec le refus de leur examen informé et critique. Par exemple, dire des images calculées qu'elles sont libres de toute attache au réel, qu'elles ne peuvent constituer une trace, interdit de comprendre en quoi elles peuvent s'alimenter au réel et participer à son investigation sans renoncer à leur dimension de construction pure. D'ailleurs, qu'une image fasse l'objet d'un calcul n'est en rien l'exclusivité du numérique, même si l'ordinateur calcule des configurations inimaginables avant lui. Autre exemple, parler d'une dématérialisation inhérente au numérique, c'est faire peu de cas des constituants de la matière que sont les électrons et le magnétisme. Que les entités numériques résultent d'opérations codées, qu'on y accède par le biais de langages, n'exclut pas l'inscription matérielle de leurs transformations et de leurs interactions. Sans former un projet polémique explicite, les propositions théoriques comme les projets expérimentaux exposés ici tendent à contredire les discours qui substituent l'affirmation sans nuances d'une originalité technique réelle ou supposée à la pertinence des implications artistiques du numérique, ou bien interdisent l'usage effectif des nouveaux instruments, au nom d'une dénonciation de l'effet de démonstration auquel il conduirait fatalement.

Dès les premiers textes, une stratégie d'innovation artistique se dessine qui consiste à préférer, à l'annonce d'une rupture radicale, la recherche des continuités historiques capables d'éclairer les mutations artistiques du numérique. Malgré les effets d'entraînement et d'enfermement inhérents à l'implication résolue dans la nouveauté, une telle posture ne peut que se confirmer si la priorité reste à l'observation et à la description, au commentaire théorique et didactique, à la production expérimentale. Parce qu'il s'infiltre partout, parce que tous les genres sont touchés par sa variabilité, le numérique conduit à reconsidérer les paradigmes les plus établis. Il fait apparaître rétrospectivement tout un ensemble de disciplines et de dispositifs comme des cas particuliers d'ensembles plus généraux dont il tracerait les nouvelles limites. Ainsi la participation du spectateur, l'oeuvre ouverte, la combinatoire, le récit non-linéaire peuvent être perçus comme des antécédents particuliers des potentialités ouvertes par l'interactivité, sans pour autant coïncider avec elles. Ainsi le dispositif cinématographique se voit déstabilisé lorsque la relation, sous sa forme programmée, s'installe dans l'entre-images pour contester le défilement des photogrammes. À l'époque des premières recherches, les expériences d'art en réseau passent par le téléphone ordinaire et la vidéo n'a aucune existence dans les ordinateurs. Dans la période qui suit et jusqu'aujourd'hui, la puissance des ordinateurs courants est multipliée par dix mille, Internet apparaît et se généralise, la vidéo s'identifie au numérique. Conçu avec des moyens rudimentaires pour les premiers programmes sur ordinateur, le procédé de la chronophotographie interactive qui vise à réinvestir la tradition cinématographique reste sensiblement le même et confirme ses capacités descriptives, narratives et fictionnelles. Même si sa dimension d'image-relation se trouve considérablement renforcée, elle est repérable dès l'origine. Peut-être faut-il comprendre que, dès l'apparition du numérique, l'essentiel de ses spécificités esthétiques est en place. Peut-être faut-il aussi reconnaître au travail artistique une certaine obstination et une certaine constance.

Ce sont des textes de circonstance. Circonstances entrecroisées mais ayant leurs spécificités : l'enseignement et la recherche, le commissariat d'expositions et l'édition documentaire, la réalisation et l'expérimentation artistiques. Ces textes sont ainsi des contributions à des revues et à des colloques, des descriptions et des commentaires pour des catalogues, des essais accompagnant les projets artistiques. Beaucoup des images qui pourraient en constituer la documentation sont publiées dans les catalogues d'Artifices, dans les ouvrages à vocation encyclopédique que sont le CD-ROM de la 3e Biennale de Lyon et celui de la Revue virtuelle. Des dessins, par contre, sont spécialement collectés et adaptés. Ces vues techniques d'installations et d'expositions sont là comme une proposition théorique supplémentaire. Car elles relèvent d'une même recherche, celle d'affirmer la relation propre aux oeuvres par une scénographie elle-même relationnelle. Gardant comme référence les environnements-spectacles des débuts, et l'idée de distanciation qui leur était associée, les formes qui s'imposent sont celles de la chambre et de l'alcôve, de la table et de la chaise, car elles doivent réaliser simultanément l'alliance du jeu et de la consultation, l'alliance du spectacle et de la lecture.




1 — À propos du vidéodisque Le Bus, ou l'Exercice de la découverte


Le vidéodisque Le Bus, réalisé sur un scénario proposé aux étudiants en arts plastiques de l'Université Paris 8, est l'un des tout premiers à être conçus dans une perspective d'expérimentation artistique. Structure non linéaire pour un récit qui est aussi une expérience proposée aux spectateurs, la simulation de déplacements met en jeu la confrontation temporelle entre le film, envisagé comme modèle du spectacle, et l'album, envisagé comme modèle de la lecture.
Dès 1983, le projet est soutenu par Thierry Chaput, commissaire d'une exposition en préparation au Centre Pompidou. Quand, en 1984, Jean-François Lyotard est appelé à prendre la direction intellectuelle de cette exposition prévue sur le thème "matériaux nouveaux et création", il entend mettre en question chacun de ces trois termes et la nommer Les Immatériaux : "Le modèle du langage supplante le modèle de la matière." Il s'agit de "faire entrer le visiteur dans la dramaturgie de la postmodernité", de lui donner "le sentiment de la complexité des choses". "Une nouvelle sensibilité naît. Dans la création apparaissent de nouveaux genres d'art reposant sur les nouvelles technologies."

Rédigé à la demande d'Élie Théofilakis, coordinateur de l'ouvrage
Modernes et après, Les Immatériaux, Autrement, Paris, 1985, cet article est marqué par le caractère pédagogique du projet. Il se veut condensé et imagé, proche des préceptes méthodologiques et conceptuels trouvés au cours du travail collectif.



2 — Dramaturgie de l'interactivité


L'interactivité fondée sur les technologies numériques n'est pas seulement l'instrument d'un accès dialogué aux informations et aux oeuvres. Elle peut faire partie de l'image elle-même, elle doit être travaillée comme forme artistique à part entière, elle fait l'objet d'une dramaturgie. L'image-potentiel invite à une esthétique de l'impossible.
En mai 1988, un colloque est organisé à la Cité des sciences et de l'industrie, à l'initiative de Claude Faure, responsable de l'action artistique, pour faire le point sur la mise en oeuvre de la notion d'interactivité dans la muséographie scientifique et sur ses futures implications dans les arts.

Ce texte est publié dans
Actes du colloque Vers une culture de l'interactivité, collection "Déchiffrages", dirigée par Frank Popper, Espace SNVB International, Paris, 1989.



3 — Pour que poussent les images


L'image calculée fait passer de la représentation à la simulation. Mais d'où vient le modèle mathématique et logique sur lequel peut s'édifier, par exemple, l'apparition d'un bambou qui "pousse" dans l'ordinateur ? L'histoire de la figuration des plantes, la tradition picturale chinoise, révèlent des procédures langagières qui éclairent les méthodes numériques. Si l'on insiste d'ordinaire sur l'"émancipation totale du réel" que permettrait l'image de synthèse, il convient de souligner qu'elle peut inciter à un surcroît de saisie.

Les recherches documentaires et théoriques suscitées par la conception de l'exposition Image calculée à la Cité des sciences en 1988 ont mis en évidence l'utilité d'intervenir, parfois de façon polémique, sur les capacités d'investigation du réel attachées à l'image numérique, y compris à l'image de synthèse. C'est l'occasion de faire converger, dans une perspective esthétique, trois domaines d'intérêt : la peinture chinoise, la photographie, l'image informatique.

Ce texte est publié dans : "Les chemins du virtuel", numéro spécial, conçu par Jean-Louis Weissberg et Martine Moinot,
Cahiers du CCI, Centre Pompidou, 1989.



4 — Le logiciel comme rêverie


Il s'agit de rapprocher tout un ensemble de réflexions sur la collecte et la mise en mémoire de fragments de réel attachés à des lieux et à des moments, sur la capacité du numérique à fonder une vidéo qui conjugue le livre au film, sur les langages qui ordonnancent la morphogenèse des images, sur l'image comme automate.

Après la conception, en 1986, d'un vidéodisque en forme d'herbier, le projet émerge d'un programme interactif attaché à Rousseau et de la confection d'« estampes » dont le lecteur pourrait exercer l'assemblage et actionner les mécanismes signifiants. Ce sera l'amorce d'une longue recherche expérimentale articulant l'exploration de nouvelles modalités de l'image et de la fiction à la lecture de Rousseau.

Réponse à l'invitation de Raymond Bellour à contribuer aux Rencontres Cinéma et Littérature, ce texte est publié dans
Le Temps des machines, CRAC, Valence, Drôme, 1990.



5— Artifices


Comment défendre l'appartenance à l'art contemporain d'expériences et d'oeuvres impliquant les nouvelles technologies numériques, tout en ayant comme préalable le critère du numérique et de l'interactivité?
Artifices tente de résoudre cette question en affirmant des choix d'oeuvres, de propos artistiques, de mise en scène, guidés par des thématiques particulières à chaque édition de la biennale. La confrontation de la construction des images et de l'interactivité, la relation machinique au réel, la mise en mémoire, les espaces langagiers sont les thèmes ainsi explorés.

Née de l'initiative, en 1988, de la Ville de Saint-Denis et d'enseignants en arts de l'Université Paris 8, la biennale Artifices se veut une vraie exposition d'audience internationale, avec une durée, un public diversifié, un catalogue, des rencontres d'artistes, un espace dédié à la recherche et à la documentation, des discussions et un volet pédagogique. La biennale a lieu quatre fois, en 1990, 1992, 1994 et 1996. Le travail de direction artistique réunit le repérage des travaux et leur mise en scène. Ainsi, les textes pour les catalogues mettent l'accent sur une scénographie qui relève de l'installation et qui soutient un propos artistique spécifique.

Les textes des quatre éditions de la biennale sont publiés dans les catalogues suivants:
Artifices, du 4 au 31 octobre 1990, Ville de Saint-Denis, 1990; Artifices 2, du 6 novembre au 3 décembre 1992, Ville de Saint-Denis, 1992; Artifices 3, du 5 novembre au 4 décembre 1994, Ville de Saint-Denis, 1994; Artifices 4, du 7 novembre au 5 décembre 1996, Ville de Saint-Denis, 1996.



6 — La collection à l'oeuvre


L'opération photographique est de l'ordre de la collecte, une cueillette de ce qui est peut-être déjà une image. La collection est un mouvement, un protocole, qui ouvrent sur la modélisation, sur une intellection et une lecture des choses. La collection mise en oeuvre contribue à l'existence du photographique dans le champ de l'art moderne et contemporain.

Le thème de la collection est une manière de conclusion à la collaboration à la revue La Recherche photographique, poursuivie depuis sa fondation avec André Rouillé en 1986. Il est l'un des passages vers l'exploration de l'interactivité et du virtuel en art. Il trouve ainsi son expression dans la base de données considérée comme pratique artistique, dans l'installation Mémoire de crayons et dans l'entreprise menée autour de Rousseau.

Ce texte est publié dans le n° 10 de
La Recherche photographique, "Collection, série", Paris, juin 1991.
 




7 — Machines à communiquer faites oeuvres


L'art ne saurait se confondre avec la communication, cependant, les instruments et les processus de communication contemporains peuvent être investis dans l'art. Les frontières entre pratiques artistiques et expérimentales ne peuvent et ne doivent pas nécessairement être tracées en toutes circonstances.

Dans le contexte d'une contribution muséologique à Machines à communiquer et du commissariat artistique de cette exposition de la Cité des sciences et de l'industrie, d'octobre 1991 à septembre 1992, un large inventaire des oeuvres qui impliquent les nouvelles techniques de communication est conduit. Cette étude s'appuie sur la classification proposée par les commissaires scientifiques de la manifestation, Lucien Sfez et Anne Cauquelin, qui distingue ce qui relève des modèles machinique, organique ou critique.

Ce texte est publié dans
La Communication, ouvrage sous la direction de Lucien Sfez, Cité des sciences et de l'industrie / Presses universitaires de France, Paris, 1991.



8 — Vertus des mondes bornés


Comment nommer les objets, ou les oeuvres, du virtuel technologique? À la diversité de supports des productions numériques s'oppose l'unicité apparente d'une machine, l'ordinateur. Deux dénominations sont notamment en usage, les "bornes" et les "mondes". Si la première insiste sur l'interface, la seconde identifie le virtuel. Or les mondes virtuels ont besoin des bornes pour s'interfacer avec le réel.

Proposer une typologie des recherches et des travaux qui laisse ouverte la question de leur appartenance ou non au champ artistique, c'est l'attitude adoptée, à partir de 1991, pour la mise en oeuvre, avec Christine van Assche et Martine Moinot, de la Revue virtuelle, manifestation trimestrielle du Musée national d'art moderne au Centre Pompidou.

Ce texte, témoignant d'une réflexion conduite pour la Revue virtuelle, est publié dans
Les Cahiers de l'Ircam, nº 1, "Composition et environnements informatiques", Centre Pompidou, Paris, 1992.



9 Notes sur l'esthétique du virtuel


Dès l'instant où le mot virtuel est rapporté à une dimension technologique spécifique, il devient envisageable de rechercher concrètement quelles sont ses potentialités esthétiques et de vérifier en retour sa pertinence pour identifier une entité éminemment multiforme et mouvante.
De 1991 à 1996, la production de textes de présentation et de commentaires pour la Revue virtuelle, comme les propositions théoriques qu'elle suscite, sont à l'origine d'une série de notes destinées au CD-ROM Actualité du virtuel qui fait la synthèse des conférences et des expositions de la Revue virtuelle.
Ce texte en forme de glossaire reprend donc, en les calibrant rigoureusement, une série d'éléments qui peuvent apparaître dans d'autres textes du présent recueil. Il est publié dans Actualité du virtuel, CD-ROM, sous la direction de Jean-Louis Boissier, Éditions du Centre Pompidou, Paris, 1997.



10 — Une esthétique de la saisie


La notion de saisie, mise en balance avec la notion de synthèse, est le biais par lequel se lient, sinon s'unifient, dans la perspective de leurs potentiels esthétiques, des procédures et des disciplines aussi distinctes que la photographie, l'image de synthèse scientifique, les dispositifs d'interfaces, la réalité virtuelle.
Étayé sur une investigation et une observation prolongées et sur les commentaires pédagogiques suscités par l'activité de commissariat de la biennale Artifices à Saint-Denis à partir de 1988 et de la Revue virtuelle au Centre Pompidou à partir de 1991, cet essai fait figure de bilan d'une réflexion critique. Sans être ouvertement polémique, il s'inscrit en porte-à-faux face à des discours technicistes ou au contraire détachés de références artistiques et techniques précises, face aux prophéties de ruptures absolues, bénéfiques ou catastrophiques.
Ce texte est publié dans la Revue d'esthétique, nº 25, "Les Technimages", sous la direction d'Anne Cauquelin, Paris, 1994.



11 — Programmes interactifs


Si des travaux s'affirment comme prototypes, ils s'inscrivent nécessairement dans une réflexion dont seul le texte peut étayer la substance. Ce cheminement d'écriture précède et accompagne la production artistique expérimentale, il est à peine un commentaire après coup. Il faut dire que la notion de programme, si elle renvoie à la programmation informatique, désigne plus globalement un processus qui agence avec une particulière attention, dans les pièces interactives, une chaîne de fonctionnement sans solution de continuité et incluant le destinataire.

Le programme est en fin de compte l'exposition elle-même. L'exposition personnelle réalisée au Credac d'Ivry-sur-Seine du 26 janvier au 12 mars 1995, sur l'invitation de Madeleine van Doren, inclut par conséquent une publication qui relève de l'essai tout autant que du catalogue.

Ce texte est donc celui du catalogue
Jean-Louis Boissier, Programmes interactifs, Centre d'art Credac, Ivry-sur-Seine, 1995. La partie concernant Flora petrinsularis est publiée en allemand et en anglais dans l'ouvrage accompagné d'un CD-ROM Artintact nº 1, ZKM / Cantz, 1994, et, en japonais, dans le catalogue Jean-Louis Boissier, La Logique sensitive, Inter Communication Center Gallery, Tokyo, 17 février – 9 mars 1995.



12 — Des arts dans la logique de leur technique


Si l'on admet que de nouveaux genres artistiques apparaissent avec les techniques numériques, encore faut-il les identifier dans leurs spécificités. Leur éventuelle autonomie dépend de la mise en place d'un dispositif qui règle la relation de leur production et de leur réception, la définition d'un standard.

L'année 1995, annoncée comme celle du centenaire du cinéma, est l'occasion d'une interrogation historique et critique sur le devenir de l'image enregistrée à l'époque du "temps réel". L'exposition Cinémagie, au Musée d'Annecy, ville attachée au cinéma d'animation, participe de cette réflexion.

Ce texte est publié dans
Cinémagie (réédition sous le titre Anamagia, 2003), Musée-Château d'Annecy, 1995.



13 — Le CD-ROM de la 3e Biennale d'art contemporain de Lyon


Le support hypermédia est-il à même de produire un nouveau type de présentation, de documentation et d'interrogation des oeuvres ? Comment donner à l'image interactive une capacité descriptive spécifique ? Le CD-ROM de la 3e Biennale d'art contemporain de Lyon (Installation, cinéma, vidéo, informatique, du 20 décembre 1995 au 18 février 1996) est considéré comme un projet expérimental.

À la demande conjointe des commissaires et des éditeurs du catalogue, ce CD-ROM est conçu et réalisé, de juin à décembre 1995, par Jean-Louis Boissier et Jean-Marie Dallet, avec Liliane Terrier pour la rédaction et Françoise Agez pour la documentation, et une équipe nombreuse d'étudiants en arts pour la conduite des entretiens avec les artistes et pour la fabrication.

Ce texte est publié dans le livret accompagnant le CD-ROM ainsi que dans le catalogue, édités par la Réunion des musées nationaux, Paris, 1995.



14 — L'image n'est pas seule


Les relations actives avec les textes, les sons ou les signaux interactifs que trouve l'image dans les supports numériques et dans les réseaux le confirment : l'image n'est jamais seule. Même si sa singularité ne lui est pas contestée, l'image se déplace, inclut précisément ce jeu relationnel. Travailler aux "nouvelles images" exige qu'on cultive le croisement des disciplines artistiques, technologiques, scientifiques, philosophiques.

L'inauguration de la nouvelle bibliothèque de l'Université Paris 8 en mai 1998 est l'occasion d'une exposition rétrospective de quinze ans de travaux du laboratoire Esthétique de l'interactivité. Le texte, cosigné avec Liliane Terrier, tient à la fois du bilan et du manifeste, tout en situant les recherches d'une équipe.

Ce texte est donc l'introduction du catalogue de l'exposition
L'image n'est pas seule, bibliothèque de l'Université Paris 8, Saint-Denis, 1998.



15 — Le moment interactif


Le mot moment vient de Rousseau, mais il prend une signification particulière dans le champ technique et esthétique de l'interactivité. Il désigne à la fois un espace temporel où la réminiscence se construit et se réactualise, une image en séquence qui a été saisie dans sa mise en scène pour être donnée à être ressaisie par le lecteur.

Précédé de deux installations, La Deuxième Promenade en 1998 et La Morale sensitive en 1999, le CD-ROM Moments de Jean-Jacques Rousseau, dont la conception est cosignée avec Liliane Terrier et la réalisation conduite par une équipe comprenant Hajime Takeuchi, Maren Köpp et Jean-Noël Lafargue, marque l'aboutissement d'une recherche de plus de dix ans, où la pensée et la poésie de Rousseau ont été constamment sollicitées pour inventer de nouvelles formes d'images.

Cet essai accompagne le CD-ROM Jean-Louis Boissier,
Moments de Jean-Jacques Rousseau – Confessions et Rêveries, produit par le Centre pour l'image contemporaine de Genève et édité en 2000 par les Éditions Gallimard.



16 — La perspective interactive


À la perspective optique, que le numérique reprend en compte pour en amplifier les performances et la variabilité, s'ajoutent une perspective déterritorialisée dans les réseaux et encore ce qui peut être désigné comme perspective interactive. C'est dans ce dispositif, combinant programmation et interfaces, que se construisent des modalités relationnelles et que se saisissent des relations, avec l'image ou sans l'image. On définit alors une jouabilité, comme il y a une visibilité et une lisibilité.

"Le récit interactif", colloque organisé en décembre 2000 à Paris par l'Atelier de recherches interactives de l'École nationale supérieure des arts décoratifs et le laboratoire Esthétique de l'interactivité de l'Université Paris 8, rejoint le projet d'un numéro de la Revue d'esthétique dédié aux arts en réseaux.

Ce texte est publié dans la
Revue d'esthétique, nº 39, "Autres sites, nouveaux paysages", sous la direction d'Anne Cauquelin, Paris, 2001.



17 — L'image-relation


Se rapprochant du cinéma, mais en "libérant" nombre des paramètres du standard "cinématographe", une image apte à figurer des interactions et, plus fondamentalement, des relations, pourrait être nommée image-relation. Même s'il s'agit d'une contribution très modeste à l'"histoire naturelle des signes", la référence et l'hommage à Deleuze s'imposent, quitte à s'écarter de ses définitions, puisque l'hypothèse d'un "cinéma interactif" est très récente.

Il s'agit notamment de rendre compte de tout un ensemble de travaux conduits autour du laboratoire Esthétique de l'interactivité de l'Université Paris 8, de l'Atelier de recherches interactives de l'École nationale supérieure des arts décoratifs, de plusieurs workshops proposés à Paris, à Genève et au Japon depuis 1997 et d'accompagner théoriquement ces recherches sur l'écriture vidéo-interactive et ses figures.

Ce texte a pour base un essai publié en anglais (traduit par Douglas Edric Stanley) dans l'ouvrage-catalogue
Future Cinema, ZKM / MIT Press, 2003. Il intègre en outre les passages centrés sur l'image-relation de "La perspective interactive", Revue d'esthétique, 2001, plus haut, pp. 262-271, des éléments de "Vers un cinéma interactif", entretien publié dans Anomalie digital_arts, n° 3, "Interfaces", 2003, et certains éléments de "Figurabilité des relations dans le récit vidéo-interactif", H 2PTM'03. Créer du sens à l'ère numérique, Hermès, Paris, 2003.



L'ouvrage inclut le CD-ROM Essais interactifs


Réalisation : Jean-Louis Boissier
Programmation : Jean-Noël Lafargue
Avec le concours du laboratoire Esthétique de l'interactivité, Université Paris 8
© 2004, Jean-Louis Boissier et Mamco, Genève


Ce CD-ROM contient les programmes vidéo-interactifs suivants :

Album sans fin
, 1989
Globus oculi, 1992-1993
Flora petrinsularis, 1993-1994
Mutatis mutandis, 1995
Bifurcation, 1996
Autoportrait, 1999
La Morale sensitive, 1999-2001
Dozographie, 2000
Le Petit Manuel interactif, 2001
Acrostiche, 2001
Modus operandi, 2002-2003