Le récit interactif, tables rondes, 6 décembre 2000 — ENSAD-ARi, labEi, CIREN
  Le récit interactif à l'École nationale supérieure des arts décoratifs, Paris


Le récit interactif | Langage et écritures: Jacques MORIZOT, Jean-Pierre BALPE, Anne CAUQUELIN, Georges LEGRADY, François Soulages, Liliane TERRIER || Images et dispositifs: Jean-Louis BOISSIER, Grahame WEINBREN, Raymond BELLOUR, Anne-Marie DUGUET, Timothy MURRAY


Le récit interactif : Images et dispositifs



Grahame WEINBREN Cinéaste, auteur d’installations interactives, éditeur du Millennium Film Journal, School of Visual Arts, New York



Grahame WEINBRENFrames and Tunnels: Some Grammars for Interactive Narrative + english text


1 — Un cinéma interactif
J'ai développé un cinéma interactif depuis presque vingt ans. Qu'est-ce qui m'a séduit au départ? Qu'est-ce qui fait que je continue à travailler? D'abord et avant tout il y a le pouvoir expressif du cinéma lui-même. Puis il y a le fait que le médium dans sa forme standardisée est emphatique et épuisé. Les nouvelles technologies ont toujours élargi les possibilités d'expression. Et dans le cas du cinéma, la véridicité est toujours séduisante. Nos modes de représentation de la réalité changent profondément notre perception, et c'est cette possibilité-là qui fait l'attrait principal de l'exploration d'un médium. L'idée de l'interactivité est donc séduisante en elle- même.

Première question: s'il existe un récit cinématographique interactif, quelle serait la structure de ce récit?
— Est-ce qu'il raconterait les mêmes histoires en ajoutant la particularité de la participation de l'utilisateur ou nécessite-t-il des structures complètement différentes?
— Est-ce qu'il s'agit de vieilles histoires racontées d'une nouvelle manière ou est-ce qu'il s'agit de nouvelles histoires? Une réponse générale à cela serait - un peu des deux. Mais il est vrai que la notion de linéarité reste essentielle pour le récit. Nous devons créer des structures ouvertes à une participation de l'utilisateur. Mon travail de réalisateur de cinéma interactif a été la recherche et l'application de différentes formes de solutions à ces problèmes. Quelques unes se sont avérées plus réussies que d'autres.
— Mes idées me viennent toujours de ma pratique et non l'inverse. Il est donc très utile de présenter mes travaux afin d'expliquer les concepts de structure et de grammaire du récit interactif


2 — The Erl King and Sonata
Mes premiers travaux interactifs The Erl King and Sonata reprenaient des histoires existantes. L'interactivité n'est pas un élément que l'on peut rajouter à un signe visuel -comme le son et la couleur- mais faire une pièce interactive change incontestablement la manière et les possibilités de dire. Aussi bien The Erl King que Sonata sont constitués d'un ensemble d'histoires liées entre elles et l'une comme l'autre utilise comme outil de navigation un dispositif grammatical cinématographique très simple - la coupure interactive.

L'image produite par l'action de l'utilisateur est, dans son esprit, fortement reliée à l'image originaire, "source de la coupure". Néanmoins, les histoires des deux pièces sont des récits avec un début-un milieu-une fin. Dans Sonata le spectateur peut changer le point de vue à partir duquel les histoires sont racontées. Mais à la base, les événement de l'histoire restent intacts.

Les structures interactives apparaissent dans les relations entre les histoires, des relations que découvre le regardeur en parcourant la pièce. Il y a une exception -la narration de l'analyse du rêve de l'homme-loup, comme elle a été rapportée par Freud, n'est pas une histoire linéaire- elle fait appel à une narration non-linéaire, comme Freud l'a remarqué lui-même, ce qui nécessite un médium plus flexible.
 









  • Grahame Weinbren
    an
    Ocean of Streams of Story


  • 3 — March II par Grahame Weinbren & James Cathcart

    Dans mes travaux plus récents, j'ai plus ou moins abandonné les règles du récit aristotélicien. March laisse le regardeur dans le milieu permanent de l'histoire, avec sa fin hors de portée projetée au dessus de sa tête.
    "Dans la nouvelle pour enfants Haroun and the Sea of Stories, Salman Rushdie décrit an
    Ocean of Streams of Story contenant des courants de narrations dans une forme fluide, passant de l'une à l'autre comme une tapisserie liquide d'une complexité à vous couper le souffle. Un nageur dans cet océan rencontrera différents courants d'histoires, et déclenchera des mélanges par le mouvement même de son déplacement.

    March II
    est inspiré de cette image. Dans l'espace architectural de la pièce, un regardeur découvre différents fragments d'histoire, et le mouvement dans l'espace donne accès aux histoires et interfère dans leur manière de se combiner. Les narrations se déplient sur fond de projection, paysage composé de plusieurs peintures et photographies centrées sur la peinture de Rembrandt le sacrifice d'Isaac dans lequel le regardeur dérive au gré de ses propres mouvements.

    Le propos de l'oeuvre est le classique conflit entre devoir et désir, dont la tension se joue à l'ère du Nintendo et de Netscape. March est une installation interactive dont l'interface est une rampe d'acier et d'aluminium, dessinée par James Cathcart. La manière dont les regardeurs se déplacent détermine le flux des images sur trois écrans: une image projetée et deux images sur des écrans de moniteurs, une sur une tour au somment de la rampe et une sous les pieds. L'écran de moniteur sous les pieds montre la carte virtuelle de l'image du paysage. Les images incluent des scènes dramatiques et différentes mixées dans une grande tapisserie, par l'action des regardeurs.



  • Grahame
    Weinbren,
    James Cathcart
    March,
    first exhibited in ART IN THE ANCHORAGE 1997 (Brooklyn New York)
    organized by Creative Time In
    c.
    l















  • Grahame
    Weinbren
    Frames
    Proposal for NCC
    Tokyo 1999

  • 4 — Frames
    Frames permettent métaphoriquement à l'utilisateur de faire l'histoire - il transforme une actrice contemporaine en aliénée du XIXe siècle et cette transformation est la ligne temporelle, tandis que le récit réside dans la complexité des relations du photographe au sujet, et de la photographie au lecteur. Ceci est une structure narrative non-linéaire.
     












    Le Tunnel
    Dortmund, Germany 2000

    5 — Le Tunnel
    Le Tunnel est structuré par les mouvements du regardeur à travers un tunnel - et la narration est la linéarité issue de ce voyage. Le livre reste le médium idéal pour les travaux non-linéaires. Et nombreux sont les exemples de récits multilinéaires en littérature, notamment dans l'écriture postmoderne. G.W.



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