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Entretien 02 avec Chew



[Chew est diplômée de l'École Estienne, étudiante en arts plastiques à Paris 8, graphiste et grande dessinatrice.]

Q. : Quelles sont les contradictions entre l'art occidental et l'art chinois ?
Chew : En général, dans l'art occidental, je pense qu'on cherche toujours à rajouter des choses, c'est toujours une accumulation. Tandis que dans une peinture orientale, de l'Asie, on pense le plein et le vide avant de poser ses traits sur la feuille. Je pense que c'est beaucoup plus réfléchi que l'art occidental qui se dit spontané. La spontanéité orientale, quant à elle, est d'abord réfléchie. Dans l'art oriental, aucun trait n'est inutile.

Q. : Comment sont-ils liés ? Comment sont-ils différents ?
Chew : Au 19e siècle, c'est plutôt l'art occidental qui s'est inspiré de l'art chinois, aujourd'hui, c'est plutôt le contraire. Aujourd'hui, l'art devient plus international, mais reprend les codes occidentaux.

Q. : En quoi cela affecte ta pratique ?
Chew : Mon travail personnel, parce que je suis d'origine chinoise ?

Q. : ... Non... parce que les deux arts font partie du monde où on vit...
Chew : C'est plutôt le côté occidental qui m'influence, parce que dans l'imagerie occidentale, dans tout ce qui est image, icône, on retrouve des choses de l'art oriental. Tout est un peu confus, je pense. Pour l'instant, les deux m'influencent mais l'art oriental ne m'influence pas particulièrement parce que j'ai une culture mixte.

Q. : Quelles sont les techniques que tu emploies et pour quelles raisons ?
J'utilise les techniques les plus simples, je laisse de côté les couleurs, comme quelque chose qui complique une image, j'aime le trait, j'utilise un stylo simple, un feutre, des taches. J'ai fait des dessins en tissant, mais ça reste un trait simple.

Q. : La technique du trait est plutôt orientale ?
Chew : Je pense qu'on le trouve dans l'art occidental, je ne connais pas assez l'art extrême oriental pour dire qu'il m'influence.

Q. : Qu'est-ce qui découle de l'utilisation des techniques ?
Chew : Je ne suis pas sûre que ce soit les outils qui m'influencent. Je les ai choisis, mais je reste avec de petits objets, des petits stylos, des feuilles de papier de petit format. Sur un mur, j'ai du mal à m'étaler, dès que je m'étale, ma vision se perd. Je suis plus à l'aise dans les espaces confinés.

Q. : "Le Trait comme ligne de conduite", qu'est-ce-que ça t'inspire ?
Chew : Dans le domaine pictural, c'est ce qui est le plus important, parce qu'une ligne se construit avec ou sans réflexion, que tu fasses un gribouillis ou que tu réfléchisses, le trait est là.

Q. : Quelle est la différence entre le trait et la ligne ?
Chew : Je ne sais pas si je pzux faire une distinction. Un trait est plus modulable, il peut être épais, mince. Un trait évolue. Une ligne, je vois ça comme quelque chose de fini.

Q. : Après cette distinction entre trait et ligne,"Le Trait comme ligne de conduite", ça voudrait dire quoi?
Chew : Une ligne de conduite....

Q. : Quelles sont les relations entre le texte et l'image, les points de jonction ?
Chew : Les deux sont aussi importants l'un que l'autre. Il faut qu'ils se complètent. l'image ne doit pas être là juste pour illustrer. On a trop tendance en général à cantonner l'image dans l'illustration d'un texte. Ça ne t'apporte rien. Tandis que si tu mets une image qui ouvre le texte, là ça devient intéressant. Je suis contre une relation trop illustrative, quelquefois l'image ne sert à rien. Aujourd'hui, tu vois des images partout, elles ne sont pas forcément utiles, elles ne sont pas assez réfléchies.

Q. : Qu'est-ce qui distingue le texte de l'image ?
Chew : Le texte n'est pas compréhensible par tout le monde, tandis qu'une image, tu peux la faire lire par tout le monde. Si tu la travailles bien, tout le monde peut la comprendre, commme un logotype par exemple. Parfois, il n'y a qu'une certaine civilisation qui puisse la comprendre, mais en général l'image s'adresse à tout le monde, elle parle plus, selon le contexte. Dans certains cas, comme pour l'information, quand tu lis un journal, je pense que le texte peut suffire, tu n'as pas besoin des photos. Les photos sont là pour choquer les gens et [finalement] ils oublient les images parce qu'ils en voient trop. On ne peut comparer un texte de roman, un article de journal. Ils n'ont rien à voir. Il n'y a pas de texte en général, d'image en général, on ne peut pas les comparer, tout dépend du contexte. Le texte et l'image sont deux choses importantes qui peuvent se compléter parfois ou ne pas avoir besoin l'une de l'autre.

Q. : Qu'est-ce qui lie le texte et l'image ?
Chew : Je crois que j'ai un peu répondu.

Q. : Y-a-t'il des différences irréductibles entre texte et image ?
Chew : Un texte peut devenir une image quand tu l'agences dans une mise en page. Le texte, c'est de l'information que tu lis, mais on te fait voir des choses... Selon la manière dont tu fais ta mise en page, un texte sera mis plus en que l'autre. Tu donnes ainsi plus d'importance à un texte, sans la présence d'images. Dans ce cas-là, le texte devient une image qui t'interpelle. La mise en page aide à mettre un texte en image.

Q. : Paul Klee a dit : Kein Tag ohne Linie : pas un jour sans ligne. Qu'en penses-tu ?
Chew : Il est vrai que même si tu fais des taches, même si les lignes ne sont pas visibles, elles existent en terme de plan de forces, de tensions. Tu es obligé d'avoir une tension dans une image pour qu'il y ait quelque chose qui se passe, et les tensions ce sont des lignes....

Q. : Quelles sont vos références artistiques au sens large ?
Chew : Geneviève Gaukler, une graphiste, mon ancien prof Medhi Herzberg, Egon Schiele, très important qui maîtrise complètement la ligne ou le trait, Xin Ye. En dehors de l'image, ça me parle moins, quand les peintres produisent, je préfère tous les petits croquis préparatoires. C'est plus intéressant pour moi de voir la façon dont ils fabriquent une image que la chose achevée.

Q. : Quelle est la différence entre un graphiste et un artiste de galerie ?
Chew : Aujourd'hui les limites entre les deux se chevauchent. Le graphiste peut être un illustrateur. On va dire que c'est un artiste, mais en fait ce n'est pas vraiment un artiste. Il s'exprime, mais un artiste, c'est quelqu'un qui soulève des problèmes. L'artiste, c'est un "gars" marginal qui est un peu un cri d'alarme à propos de tout ce qui se passe autour- de lui, à une époque donnée et dans une société donnée. Aujourd'hui l'art est international et tout se mélange un peu. Je pense que le graphiste se fait vraiment plaisir quand il produit des œuvres. Il a envie de se montrer, mais il ne se dit pas non plus artiste, mais il expose dans les galeries. Mais il n'est pas vraiment un artiste. Tout est un peu confus actuellement. Même dans le domaine des artistes de galerie, tout le monde est un peu amateur. Tu as une caméra, un ordinateur, tu peux produire des œuvres. Pour les graphistes, c'est un peu pareil, tout le monde peut montrer ce qu'il veut. Le graphiste est un artiste à petite échelle, il montre un peu ce qui se passe dans sa vie personnelle, dans son imaginaire, mais ça reste quelque chose de réduit.